Je sais, je suis bavarde mais aussi têtue, on ne me refera donc pas. Revenons à Voltaire et cette période troublée car on sentait les prémisses du grand chambardement révolutionnaire, « si je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire… »…Il est vrai qu’à force de refuser la religion et de le clamer haut et fort, ça donne des idées et aide à tomber du ciel jusque sur les barricades. A ce propos, il ne faut pas oublier qu’il avait une église dans sa propriété de Ferney, mais cela prête le flanc aux détracteurs et critiques qui se considèrent comme plus informés, j’ai tendance à penser qu’on ne sait pas ce qui se passait vraiment dans sa tête mais que c’est une façon de sonner les cloches à celui qui croyait en un « grand horloger ».
Bon, j’arrête de m’exciter sur Voltaire et j’aborde maintenant l’aventure de l’édition de Kehl. Tout a commencé quand Beaumarchais a décidé d’acheter à Panckoucke les droits sur les œuvres complètes que la nièce* de Voltaire lui avait cédés. Tout content de la bonne aubaine, Panckoucke qui n’osait pas prendre les risques d’une telle édition, a refilé la patate brûlante à Beaumarchais pour une somme rondelette. Il gagnait sur les deux tableaux.
L’aventure commençait pour Beaumarchais qui s’est comporté sans faille comme un entrepreneur puisqu’il a érigé, et équipé entièrement avec du matériel spécialement voulu par lui pour cette édition, une nouvelle imprimerie ; puis comme un éditeur, un promoteur et un financeur pendant de nombreuses années. Sa fortune fondait au fil des ans, pas sa détermination. Il a même réussi à mener son projet jusqu’au bout et de façon parfaite alors que Panckoucke, voyant l’avancée de son projet, a mené ou soutenu, on pourrait volontiers le voir comme initiateur avec de grands libraires et éditeurs, une entreprise de contrefaçon de l’édition de Kehl. Certes, pour Beaumarchais le chemin fut long et douloureux mais rien n’a pu l’empêcher de terminer cette œuvre qui par elle seule mérite d’être saluée. Parole de connaisseuse, il était aussi têtu que moi, c’est pour ça que j’ai grand plaisir d’en parler et de dire, pour ceux que ça intéresse, que pour reconnaître les contrefaçons, il faut regarder les pages de faux-titres sur lesquelles sont inscrites quatre adresses possibles : Bâle, Deux-Ponts, Hambourg, Lyon. A bon entendeur.
Et pour tout vous dire, je suis épatée par ces 92 volumes parce que pour une édition qui a plus de deux siècles, la lecture se fait facilement sur un papier encore très frais…et oui, je les lis. Et la reliure ! Je vous dis pas. Ils savaient travailler et faire des choses qui plaisaient. Pas étonnant que cette édition soit si recherchée.
*Marie Louise Mignot (1712-1790). La nièce préférée de Voltaire qui devint épouse DENIS mais fut veuve dès 1744.